12 mai 2023
Indemnisation du preneur à bail commercial expulsé en cas de remise en cause d’une décision d’expulsion
Par un arrêt en date du 25 janvier 2023, la Cour de cassation a jugé que le preneur à bail commercial expulsé par application d'une décision de justice infirmée est en droit de se voir octroyer une indemnité réparant sa perte d'exploitation au motif qu'il a été privé de la possibilité de poursuivre son activité commerciale dans les locaux loués.
En l'espèce, deux baux commerciaux portant sur des locaux à usage d'hôtel, bar-restaurant et organisation de réception, ont été consentis par un bailleur à un preneur. En raison de défauts de paiement, le bailleur a assigné le preneur en référé en acquisition des clauses résolutoires des baux.
Une ordonnance rendue en référé, confirmée en appel par un arrêt rendu le 1er octobre 2015 a donné droit à la demande du bailleur et ordonné l'expulsion du preneur.
Le preneur, expulsé des locaux loués en exécution de l'ordonnance susvisée, s'est pourvu en cassation et a obtenu la cassation de l'arrêt d'appel susvisé, tandis que la Cour d'appel de renvoi a infirmé les termes de l'ordonnance initiale. Parallèlement, le preneur a assigné le bailleur pour demander l'annulation des commandements de payer et du procès-verbal d'expulsion, sa réintégration et l'indemnisation des préjudices subis du fait de cette expulsion. Le preneur a ensuite été placé en liquidation judiciaire.
Par un arrêt au fond, la Cour d'appel compétente a constaté la nullité des commandements visant la clause résolutoire et condamné le bailleur à indemniser le preneur de la perte de son ses deux fonds de commerce, sa réintégration dans les locaux loués étant impossible. Elle a en revanche rejeté la demande d'indemnisation complémentaire du preneur à l'encontre du bailleur au titre de la perte de son chiffre d'affaires depuis la date de son expulsion.
Le mandataire liquidateur a fait grief à l'arrêt susvisé d'avoir rejeté cette demande d'indemnisation complémentaire, ce dernier alléguant que la restitution à laquelle avait le droit le preneur : "devait inclure les pertes d'exploitation subies jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction".
La Cour de cassation a alors cassé l'arrêt susvisé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation complémentaire formulée par le preneur à raison de sa perte de chiffre d'affaires depuis la date de son expulsion sur le fondement des articles suivants :
- l'article L.145-14 du Code de commerce, portant définition de l'indemnité d'éviction ;
- l'article L.145-28 du Code de commerce, selon lequel le preneur à bail commercial a droit au maintien dans les lieux jusqu'au complet paiement de l'indemnité d'éviction ; et
- l'article L.111-10 du Code des procédures civiles d'exécution, qui dispose que l'exécution forcée est poursuivie aux risques du créancier.
La Cour de cassation a en effet considéré que "la privation de la possibilité de poursuivre, dans les locaux, une activité commerciale jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, en méconnaissance du droit du locataire au maintien dans les lieux, occasionne à ce dernier un préjudice qu'il appartient au juge d'évaluer".